L’idée semble presque tirée d’un film de science-fiction. Et pourtant, dans l’univers de l’intelligence artificielle, elle est en train de devenir une pratique courante : utiliser une IA pour évaluer le travail d’une autre IA. C’est ce qu’on appelle le LLM-as-a-Judge, une méthode qui bouleverse la façon dont on mesure la qualité des réponses générées par les modèles de langage.
Face à la complexité des réponses produites par des agents conversationnels, des moteurs RAG ou des copilotes IA, les métriques classiques ne suffisent plus. Que signifie "avoir raison" quand plusieurs réponses sont possibles ? Comment juger la clarté, le ton, la politesse ou la pertinence d’un texte ? C’est ici qu’intervient le juge LLM, capable de lire, comprendre et évaluer — presque comme le ferait un humain.
Le principe est simple : vous demandez à un modèle de langage (comme GPT-4 ou Claude) d’évaluer un texte généré par un autre modèle — ou parfois par lui-même — selon des critères que vous définissez. Cela peut aller de la détection de biais à l’évaluation de la clarté d’un message, en passant par la cohérence d’une réponse avec un document source.
L’efficacité de cette méthode repose sur un constat puissant : critiquer est plus facile que créer. Générer une réponse implique de comprendre le contexte, anticiper les intentions de l’utilisateur et structurer un discours. Évaluer, au contraire, se concentre sur une tâche unique et précise. C’est ce qui rend les LLM étonnamment efficaces pour ce rôle de juge.
La première consiste à comparer deux réponses à une même question. Le modèle doit alors choisir celle qui lui semble la plus adaptée. C’est une excellente façon de comparer deux prompts, deux versions d’un assistant, ou d’affiner les résultats d’un fine-tuning.
La deuxième approche repose sur l’évaluation directe d’une réponse selon un critère spécifique : est-elle concise ? polie ? conforme au style attendu ? Ici, il n’y a pas besoin de texte de référence — c’est le critère lui-même qui guide le jugement.
Enfin, on peut renforcer l’évaluation en fournissant un contexte : une question, un document source ou une réponse “idéale”. Le juge LLM évalue alors la fidélité ou la pertinence de la réponse par rapport à ces éléments. C’est notamment ce qu’on utilise dans les systèmes RAG pour détecter les fameuses “hallucinations”.
Mettre en place un tel système ne s’improvise pas. Il faut d’abord définir précisément ce que l’on veut mesurer. Cherche-t-on à vérifier la cohérence avec un document source ? À détecter un ton trop sec dans une réponse client ? Chaque objectif mérite un prompt d’évaluation spécifique, clair et structuré.
Ensuite, on crée un petit jeu de données annoté à la main. Cette étape est essentielle : elle permet de tester si le LLM juge de façon cohérente avec vos attentes. C’est aussi l’occasion d’affiner les consignes, de simplifier ou d’ajuster les labels.
Une fois le prompt prêt, on peut passer à l’évaluation automatique. Les résultats peuvent être utilisés pour mesurer la performance d’un agent, surveiller la qualité en production, ou encore détecter des régressions après un changement de modèle.
Ce qui rend la méthode particulièrement puissante, c’est sa flexibilité. Vous pouvez adapter les critères d’évaluation à votre contexte métier, à votre marque, à votre public. Et vous pouvez facilement faire évoluer vos prompts au fil du temps, sans avoir à entraîner un nouveau modèle.
Bien sûr, cette approche n’est pas magique. Un prompt flou donnera des résultats peu fiables. Certains modèles peuvent aussi introduire des biais ou donner des réponses incohérentes. Mais avec un minimum de rigueur, les performances sont souvent très proches de celles d’un évaluateur humain, avec une rapidité et une scalabilité incomparables.
Nous utilisons cette méthode pour tous nos projets impliquant des agents IA. Que ce soit pour vérifier la cohérence des réponses d’un copilote interne, superviser les performances d’un système RAG, ou encore améliorer l’expérience conversationnelle d’un chatbot métier, le LLM-as-a-Judge est devenu un outil central de notre pipeline qualité.
Il nous permet de piloter nos solutions avec finesse, d’impliquer les experts métier dans la définition des critères, et d’itérer rapidement en fonction des retours concrets. En bref : de créer des IA plus utiles, plus fiables, et mieux alignées avec les attentes réelles du terrain.
Utiliser une IA pour juger une autre IA, ce n’est plus un fantasme. C’est un levier stratégique pour évaluer, améliorer et superviser des systèmes de plus en plus complexes. Et c’est aussi une façon élégante de replacer le bon sens humain au cœur de l’automatisation, grâce à des consignes claires, des critères bien définis… et un peu de méthode.
Chez Strat37, on pense que c’est le futur de l’évaluation IA — et il commence maintenant.