Chaque entreprise veut devenir “data-driven”. Les dirigeants investissent dans des dashboards toujours plus sophistiqués, explorent les promesses de l’intelligence artificielle, et recrutent des experts pour valoriser leurs données. Mais un obstacle invisible persiste, et il n’est pas technologique : il est humain, organisationnel, quotidien. Les données utilisées au jour le jour sont souvent incomplètes, incohérentes ou tout simplement fausses. La plupart du temps, personne ne mesure immédiatement l’impact de ces imperfections. Pourtant, la facture est bien réelle : prévisions erronées, stocks mal dimensionnés, campagnes marketing inefficaces. Gartner l’a chiffrée : en moyenne, 12,9 millions de dollars par an et par entreprise. Ce coût n’apparaît jamais dans les bilans, mais il ronge silencieusement la performance.
Réduire la mauvaise qualité des données à un sujet IT serait une erreur. Elle influence directement la rentabilité des activités. Une erreur de saisie dans un CRM peut fausser une campagne entière. Un doublon dans une base clients peut déclencher deux factures au lieu d’une et générer de la frustration. Une donnée obsolète utilisée dans un tableau de bord peut orienter une décision stratégique dans la mauvaise direction. Chaque erreur isolée semble bénigne. Ensemble, elles constituent un poids financier énorme qui freine la croissance.
Ces coûts se manifestent sous des formes multiples. Sur le terrain opérationnel, des équipes entières perdent des heures à vérifier et corriger des fichiers au lieu de créer de la valeur. Sur le plan commercial, une segmentation mal calibrée conduit à gaspiller des budgets marketing. Sur le plan financier, une incohérence dans un ERP fausse le calcul des marges et retarde l’encaissement des factures. Et surtout, sur le plan managérial, la confiance s’érode. Quand les décideurs doutent de leurs tableaux de bord, ils ralentissent leurs arbitrages ou reviennent à l’instinct, privant l’entreprise de l’apport stratégique de la donnée.
Prenons la supply chain, secteur où la précision des données est vitale. Une prévision fausse de seulement 15 % peut suffire à provoquer des stocks excédentaires, immobiliser du capital et alourdir les coûts logistiques. Dans le retail, une mauvaise anticipation de la demande peut conduire à des ruptures critiques en pleine période commerciale. Même chose dans le marketing : cibler les mauvais clients au mauvais moment n’est pas seulement inefficace, c’est destructeur. Cela dégrade l’image de la marque et fait perdre des opportunités de croissance.
La bonne nouvelle, c’est que ce problème n’est pas une fatalité. La qualité des données peut devenir un levier stratégique si elle est traitée comme une responsabilité partagée. Chaque département doit se sentir concerné, car chaque interaction avec la donnée compte. Mettre en place des indicateurs simples – taux de complétude, cohérence, fraîcheur – permet de suivre sa fiabilité avec le même sérieux que des KPIs financiers. L’automatisation vient compléter l’effort : aujourd’hui, l’IA détecte les anomalies, supprime les doublons et harmonise les bases plus vite et mieux que n’importe quelle intervention manuelle.
Investir dans la qualité des données n’est pas un luxe ni un projet secondaire. C’est une manière de sécuriser ses décisions, d’éviter les pertes cachées et de libérer le temps des équipes pour des missions à plus forte valeur ajoutée. La qualité des données n’est pas un centre de coûts, mais une source directe de ROI.